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L’ANCIEN RÉGIME


immense domaine, et le père procureur Don Effinger passe ses journées à recevoir les hôtes[1]. Au couvent d’Origny, près de Saint-Quentin[2], « l’abbesse a des domestiques, une voiture, des chevaux, reçoit en visite et à dîner les hommes dans son appartement. » — La princesse Christine, abbesse de Remiremont, et ses dames chanoinesses sont presque toujours en route ; et pourtant « on s’amuse à l’abbaye », on y reçoit quantité de monde « dans les appartements particuliers de la princesse et dans les appartements des étrangers[3] ». Les vingt-cinq chapitres nobles de femmes et les dix-neuf chapitres nobles d’hommes sont autant de salons permanents et de rendez-vous incessants de belle compagnie qu’une mince barrière ecclésiastique sépare à peine du grand monde où ils sont recrutés. Au chapitre d’Alix, près de Lyon, les chanoinesses vont au chœur en paniers, « habillées comme dans le monde », sauf que leur robe est de soie noire et que leur manteau est doublé d’hermine[4]. Au chapitre d’Ottmarsheim en Alsace, « nos huit jours, dit une visiteuse, se passèrent à nous promener, à visiter le tracé des voies romaines, à rire beaucoup, à danser même, car il venait beaucoup de monde à l’abbaye, et surtout à parler de chiffons ». Près de Sarrelouis, les chanoinesses de Loutre dînent avec les officiers et ne sont rien moins que

  1. Merlin de Thionville, Vie et correspondance. — Récit de sa visite à la chartreuse de Val-Saint-Pierre en Thiérache.
  2. Mme de Genlis, Mémoires, ch. 7.
  3. Mme d’Oberkirch, I, 15.
  4. Mme de Genlis, ch. 1. — Mme d’Oberkirch, I, 62.