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L’ANCIEN RÉGIME


tout entier, elle est la forme vide, le décor survivant d’une institution militaire ; quand les causes ont disparu, les effets subsistent, et l’usage survit à l’utilité. Jadis, aux premiers temps féodaux, dans la camaraderie et la simplicité du camp et du château fort, les nobles servaient le roi de leurs mains, celui-ci pourvoyant à son logis, celui-là apportant le plat sur sa table, l’un le déshabillant le soir, l’autre veillant à ses faucons et à ses chevaux. Plus récemment, sous Richelieu et pendant la Fronde[1], parmi les coups de main et les exigences brusques du danger continu, ils étaient la garnison de son hôtel, ils l’escortaient en armes, ils lui faisaient un cortège d’épées toujours prêtes. Maintenant encore ils sont comme autrefois assidus autour de lui, l’épée au côté, attendant un mot, empressés sur un signe, et les plus qualifiés d’entre eux font chez lui un semblant de service domestique. Mais la parade pompeuse a remplacé l’action efficace ; ils ne sont que de beaux ornements, ils ne sont plus des instruments utiles ; ils représentent autour du roi qui représente, et, de leurs personnes, ils contribuent à son décor.

  1. Mémoires de Laporte (1632). « M. d’Épernon vint à Bordeaux, où il trouva Son Éminence fort malade. Il l’alla voir soigneusement tous les matins avec 200 gardes qui l’accompagnaient jusqu’à la porte de la chambre. » — Mémoires de Retz, « Nous vînmes à l’audience, M. de Beaufort et moi, avec un corps de noblesse qui pouvait faire 300 gentilshommes ; MM. les princes avaient près de 1000 gentilshommes avec eux. » — Tous les Mémoires du temps montrent à chaque instant ces escortes qui étaient nécessaires pour faire ou repousser un coup de main.