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L’ANCIEN RÉGIME


« se confédèrent » pour n’envoyer aux États généraux que des curés, et pour exclure, « non seulement les chanoines, les abbés, les prieurs et tous autres bénéficiers, mais encore les premiers supérieurs, les chefs de la hiérarchie », c’est-à-dire les évêques. En effet, sur trois cents députés du clergé, on compte aux États généraux deux cent huit curés, et, comme la noblesse de province, ils apportent avec eux la défiance et le mauvais vouloir qu’ils nourrissent depuis si longtemps contre leurs chefs. On s’en apercevra tout à l’heure à l’épreuve. Si les deux premiers ordres sont contraints de se réunir aux communes, c’est qu’au moment critique les curés font défection. Si l’institution d’une chambre haute est repoussée, c’est que la plèbe des gentilshommes ne veut pas souffrir aux grandes familles une prérogative dont elles ont abusé.

V

Reste un dernier privilège, le plus énorme de tous, celui du roi ; car, dans cet état-major de nobles héréditaires, il est le général héréditaire. À la vérité son office n’est pas une sinécure comme leur rang ; mais il comporte des inconvénients aussi graves et des tentations pires. Deux choses sont pernicieuses à l’homme, le manque d’occupation et le manque de frein ; ni l’oisiveté, ni la toute-puissance ne sont conformes à sa nature, et le prince absolu qui peut tout faire, comme l’aristocratie désœuvrée qui n’a rien à faire, finit par