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L’ANCIEN RÉGIME


laquelle ils ont droit par le dernier édit. « Une pareille demande, dit un curé, ne devrait-elle pas être acceptée de bon gré par MM. du haut clergé qui souffrent des moines jouir de 5 à 6 000 livres de rente par chaque individu, tandis qu’ils voient les curés, au moins aussi nécessaires, réduits à la mince portion, tant pour eux que pour la paroisse ? » — Et, sur cette mince pitance, on rogne encore pour payer le don gratuit. En ceci comme pour le reste, les pauvres sont chargés pour décharger les riches. Dans le diocèse de Clermont, « les curés, même à simple portion congrue, sont imposés à 60, 80, 100, 120 livres et plus ; les vicaires qui ne subsistent que du fruit de leurs sueurs, sont taxés à 22 livres ». Au contraire, les prélats payent peu de chose, et « encore est-on dans l’usage de présenter aux évêques la quittance de leur taxe, aux étrennes du premier de l’an[1] ». — Nulle issue pour les curés. Sauf trois ou quatre petits évêchés « de laquais », toutes les dignités de l’Église sont réservées à la noblesse ; « pour être évêque aujourd’hui, dit l’un d’entre eux, il faut être gentilhomme ». Je vois en eux des sergents qui, comme leurs pareils dans l’armée, ont perdu l’espoir de jamais devenir officiers. — C’est pourquoi il y en a chez qui la colère déborde. « Nous, malheureux curés à portions congrues ; nous, chargés communément des plus fortes paroisses, telles que la mienne qui a, jusqu’à deux lieues dans les bois, des hameaux

  1. Doléances sur les surcharges que supportent les gens du Tiers-État, par Gaultier de Biauzat (1788), 237.