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L’ANCIEN RÉGIME


siastiques, depuis le plus modeste prieuré jusqu’aux plus riches abbayes, seront réservés à la noblesse ». — De fait, toutes les grandes places, ecclésiastiques ou laïques, sont pour eux ; toutes les sinécures, ecclésiastiques ou laïques, sont pour eux, ou pour leurs parents, alliés, protégés et serviteurs. La France ressemble à une vaste écurie où les chevaux de race auraient double et triple ration pour être oisifs ou ne faire que demi-service, tandis que les chevaux de trait font le plein service avec une demi-ration qui leur manque souvent. Encore faut-il noter que, parmi ces chevaux de race, il est un troupeau privilégié qui, né auprès du râtelier, écarte ses pareils et mange à pleine bouche, gras, brillant, le poil poli et jusqu’au ventre en la litière, sans autre occupation que de toujours tirer à soi. Ce sont les nobles de cour, qui vivent à portée des grâces, exercés dès l’enfance à demander, obtenir et demander encore, uniquement attentifs aux faveurs et aux froideurs royales, pour qui l’Œil-de-bœuf compose l’univers, « indifférents aux affaires de l’État comme à leurs propres affaires, laissant gouverner les unes par les intendants de province, comme ils laissent gouverner les autres par leurs propres intendants ».

Voyons-les à l’œuvre sur le budget. On sait combien celui de l’Église est large ; j’estime qu’ils en prélèvent au moins la moitié. Dix-neuf chapitres nobles d’hommes, vingt-cinq chapitres nobles de femmes, deux cent soixante commanderies de Malte, sont à eux par institution. Ils occupent par faveur tous les archevêchés, et,