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L’ANCIEN RÉGIME


la mère de M. Guizot y a reçu des coups de feu dans ses jupes ; c’est qu’en Languedoc, par les États provinciaux, « les évêques sont maîtres du temporel plus que partout ailleurs, et que leur sentiment est toujours de dragonner, de convertir à coups de fusil ». En 1775, au sacre, l’archevêque Loménie de Brienne, incrédule connu, dit au jeune roi : « Vous réprouverez les systèmes d’une tolérance coupable… Achevez l’ouvrage que Louis le Grand avait entrepris. Il vous est réservé de porter le dernier coup au calvinisme dans vos États ». En 1780, l’Assemblée du clergé déclare « que l’autel et le trône seraient également en danger, si l’on permettait à l’hérésie de rompre ses fers ». Même en 1789, le clergé dans ses cahiers, tout en consentant à tolérer les non-catholiques, trouve l’édit de 1788 trop libéral ; il veut qu’on les exclue des charges de judicature, qu’on ne leur accorde jamais l’exercice public de leur culte, et qu’on interdise les mariages mixtes ; bien plus, il demande la censure préalable de tous les ouvrages de librairie, un comité ecclésiastique pour les dénoncer, et des peines infamantes contre les auteurs de livres irréligieux ; enfin, il réclame pour lui-même la direction des écoles publiques et la surveillance des écoles privées. — Rien d’étrange dans cette intolérance et dans cet égoïsme. Un corps, comme un individu, pense d’abord et surtout à lui. Si parfois il sacrifie quelque chose de son privilège, c’est pour s’assurer l’alliance des autres corps. En ce cas, qui est celui de l’Angleterre, tous ces privilèges