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L’ART

parure. La Fontaine ne s’y est point astreint. Il n’a point suivi « les beaux esprits » qui poursuivaient l’élégance à tout prix, et faisaient mourir leurs héros en style académique.

Dans cet erabrassement, dont la douceur me flatte,
Venez et recevez l’âme de Mithridate.

Et la mort, à mes yeux dérobant sa clarté,
Rend au jour qu’ils souillaient toute sa pureté.

On peut dire ici avec M""*^ de Sévigné que Racine avait bien de l’esprit. Il est si doux de le prouver qu’un écrivain se met sans le vouloir en quête de phrases ingénieuses, et défigure sa pensée pour la parer. Les mots simples, comme les mots vulgaires, expriment des détails qu’eux seuls peuvent exprimer. Il y a une certaine recherche dans ces vers de Phèdre :

Est ardelionum quaedam Romae natio,
Trépide concursans, occupata in otio,
Gralis anhelans, multum agendo nihil agens,
Sibi molesta, atque aliis odiosissima’.

Ces heureuses antithèses font l’éloge de l’écrivaio. La Fontaine dit bonnement la chose.

Ainsi certaines gens qui font les empressés
S’introduisent dans les affaires.
Ils font partout les nécessaires,
Et partout importuns devraient être chassés.

1 Phèdre, II, V.