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IV PRÉFACE.

mille nuances ; vous les confondez en une seule couleur.

« Une aristocratie de courtisans qui font salon, et le goût de ces idées générales moyennes qu’on peut agiter dans un salon, voilà les deux circonstances primitives et dominatrices auxquelles vous réduisez notre xviie siècle. Ne renferme-t-il point autre chose ? Sans chercher bien loin, on y verrait l’imitation de l’Espagne, le respect des classiques, des restes de grossièreté féodale, une veine de libertinage demi-cachée, l'avant-goût de la Régence, le commencement des idées humanitaires, un peu de mysticisme, et je ne sais combien d’autres traits qu’on ne peut supprimer sans altérer sa physionomie. Réduire ainsi c’est détruire, et vos résumés sont des mutilations.

« Historien orateur : vous renfermez dans ces deux mots tout Tite Live ; j’ai bien peur qu’il n’y soit étouffé. Tous les Romains sont orateurs, et néanmoins chacun d’eux se distingue des autres. Celui-ci est patricien, patriote, religieux, honnête homme ; il est plus sobre que Cicéron, plus régulier que Salluste, plus simple que Tacite. Il a des qualités, des défauts, des sentiments qui ne conviennent qu’au temps où il a vécu, aux circonstances qui l’ont façonné, au tour d’esprit qui lui est propre. Sans