Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/82

Cette page a été validée par deux contributeurs.

six pas et se dérange pour me montrer la rue. Cela m’est arrivé plusieurs fois ici. — À l’hôtel, les garçons nous parlent, parlent à notre colonel lui-même d’un air d’égalité, font des observations sur les plats qu’ils apportent, les jugent et les commentent.

Une scène plaisante est celle que j’ai eue en allant à Cenon. Je cherchais l’omnibus ; je tombe sur un ramassis de fiacres, de coucous, etc… Dix cochers se précipitent sur moi : « Où allez-vous ? Eh, c’est ici… Cinquanté sous, quarranté sous, trennté sous… Je vous mènerai jusqu’au bas de la côte… Je vais tout près, tout près, je connais la maison, jé né connais qué céla… Voulez-vous monter ?… Voulez-vous que je vous conduise ?… Ténez, voilà une place, uné bonné placé. » Bref, un déluge. J’en prends un, je répète ma question. Intarissable inondation de protestations. À la fin, il me débarque, il me dit que c’est à deux minutes. Une laveuse à côté déclare que c’est à vingt minutes. Tempête d’indignation ; il saute de voiture, il devient rouge comme un coq, il gesticule, il apostrophe les laveuses, il prend à témoin les gens de la