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tout change. Les gens sont petits, remuants ; leurs gestes, leur démarche font penser à des rats, à des souris trottinantes et agiles. Les plus pauvres filles portent bien et coquettement leur robe, la font bomber, ployer, se donnent une jolie taille. Le foulard qui les coiffe est élégamment posé. Du reste, cette ville-ci est une sorte de Paris, magnifique et gaie, avec de larges rues, des promenades, des monuments, des maisons monumentales. Les rues sont bruyantes, pleines de voitures ; beaucoup d’équipages, de toilettes, de dépenses. On ne songe qu’à s’amuser : quel contraste avec Rennes ! C…, qui a vécu ici quatre ans, après avoir passé onze mois à Rennes, disait qu’il se croyait entré dans le Paradis. En effet, la vie y est gaie, répandue à l’extérieur, toute méridionale, et le commerce, les vins, jettent à foison l’argent aux mains des gens.

Ils ont raison de s’amuser ; depuis que je fais un métier, je sens ce que c’est qu’un métier. On veut en sortir, oublier la platitude, la monotonie des affaires, faire boire à tous les sens une sorte de vin de Champagne. — La vie de