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Bibliothèque de Rennes. — J’ai parcouru diverses Vies de saints, contes et poèmes populaires, recueillis par Hersent de la Villemarqué ; — et Mœurs de Bretagne (recueils de 1794, continués par Souvestre).

Dans la vie d’un saint breton, voici un trait qui marque bien la férocité féodale, le despotisme de l’homme fort et seul, soumis à son seul caprice. Un seigneur a vu une belle fille, veut l’épouser. Le père, autre châtelain, la lui refuse, alléguant qu’il tue toutes ses femmes quand il les voit devenir grosses ; le saint devient intermédiaire, reçoit du seigneur la promesse qu’il traitera bien la jeune fille. Le mariage se fait ; il l’aime passionnément. Elle devient grosse, il commence à gronder, à lui jeter de mauvais regards. Elle s’inquiète, s’enfuit à cheval pour faire ses couches chez son père. Le mari devient furieux, la poursuit ; elle se cache dans les buissons, il arrive sur elle comme un loup sur une biche, lui tranche la tête. Le saint, survenant, recolle la tête, lui dit de ressusciter ; elle ressuscite, dit qu’elle était dans le ciel, mais qu’à son ordre elle est revenue dans