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bleu intense, luisant sous sa chape d’or damasquiné ; quelle maîtresse bonne et savoureusement complaisante ! Rien ne surpasse les Flamands, sauf les Vénitiens. — Ce tableau est bien plus fondu, d’une couleur plus voluptueuse que le Christ en croix, et semble d’un Flamand amateur des Vénitiens. C’est réel et pourtant idéalisé. — Crayer a moins de gloire parce qu’il est resté dans une sorte de mesure : Rubens l’a étouffé. — Comme il est loin, dans le Christ en croix, de l’angoisse moderne et du raffinement psychologique.

Jordaens. Christ en croix. — Admirablement fini et expressif. Tout est immobile : le Christ a les yeux ouverts et sent silencieusement l’amertume de la mort. Belles chairs lumineuses sur un fond sombre. La beauté extrême vient de cette splendeur des chairs éclatantes sur le ciel noir, et de ces profondes expressions vraies, de ces types pris sur le vif. — Je l’ai vu, ce grand homme, à Mayence, à la Haye, à Anvers ; nous ne le connaissons pas à Paris, nous n’avons qu’une de ses gaudrioles.