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vu une fiancée avec son promis et sa famille, le premier jour, en montant au parc. Un bonnet à tuyaux avec des ailes raides, blanches et brodées, comme un reste des coiffures du xve siècle ; une jupe brune ; la taille d’un seul bloc, non amincie aux hanches, comme dans les statues du xiiie siècle ; un petit châle violet, dont la couleur s’harmonise avec le reste ; des bas noirs. La figure est un peu courte, mais les yeux gris ont un tel charme de candeur profonde ! Ce n’est pas la simple candeur allemande et anglaise ; la femme n’est pas haute, fraîche, riche en couleurs, pétrie de lait ; au contraire elle est petite, les bras et le cou sont trop maigres. Certainement les héroïnes si pures de l’ancienne chevalerie bretonne, l’amour mystique des romans du Saint-Graal, Percival, Élaine, Yolande, Géraint, viennent de là. Renan a bien parlé de cette sensibilité délicate et souffrante des races celtiques.

Par compensation, le soldat qui me mène à la caserne me dit que nul pays n’a les mœurs plus faciles. « Le jour, elles ne vous regardent pas, mais le soir il n’y a qu’à parler. » De même la