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Une société est comme un grand jardin : on l’aménage pour lui faire rendre des pêches, des oranges, ou des carottes et des choux. La nôtre est tout aménagée en faveur des choux et des carottes. L’idéal, c’est que le paysan puisse manger de la viande et que mon cordonnier, ayant amassé trois mille francs de rente, puisse envoyer son fils à l’école de Droit. Mais les hommes distingués n’atteignent rien d’éminent ; tout au plus une croix, une retraite maigre ; leur traitement les empêche juste de mourir de faim. Le colonel L…, entré à seize ans à l’école Polytechnique, sorti le second, ayant servi quarante-quatre ans, a quatre mille francs de pension ! Mettez un pareil homme en Angleterre ! — De même le général C…, les gens de l’Institut, etc.

Partant, tout est viager ; impossible de rien fonder de grand, d’avoir une famille qui vous continue. — Partant, tout est au concours ; nous arrivons à des mœurs chinoises. Nous nous préparons à des examens, nous passons des examens et nous entrons dans la filière. L’effet de ces mœurs, c’est l’étude mécanique ou exa-