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rares, tremblent en face, dans la large plaine unie et verte ; on voit le bleu lumineux, la poudre diamantée de l’air entre les minces branches ; la verdure n’a que des tons doux ; la rivière la nourrit, mais le soleil la brunit ou la dore ; les yeux se reposent sur ce coloris fondu, on est bien, on regarde l’eau miroiter, on trouve que la vie est accueillante et bonne. À la Flèche, le paysage est flamand, avec un autre soleil. Dans une plaine basse, unie, une rivière traînante, avec des îles ; partout la prairie et des haies dispersées de peupliers. L’hiver, elle déborde. — Mais comme le soleil change tout ! Quel air de sérénité et de grâce heureuse ! L’eau est claire et sous le ciel ondoie, se plisse avec des treillis d’un azur admirable. Bleu lumineux, riant, dans un cadre d’un vert doux, et des nuages au-dessus, comme des duvets de cygne. Les rives basses se perdent et ne font qu’une petite bordure. Le ciel a toute l’ampleur de sa voûte et j’y trouve enfin la vraie lumière, l’éclat velouté du Midi. Cela fait penser au lapis-lazuli, aux pierres précieuses.