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alourdi de nuages. Pas de vagues, ni d’écume, mais le hérissement à perte de vue de myriades de petits flots et l’agitation infinie, sans effort et sans violence, de ces petits flots qui vivent d’une vie modérée et terne.

Derrière nous est Berre, avec ses maisons faiblement rougeâtres ou jaunâtres, entassées autour du vieux clocher gris de l’église. Elles semblent sortir de l’eau, tant la rive est basse, et découpent nettement leur silhouette sur les bords amollis, incertains, du marécage. Au nord, les monticules de sel d’une blancheur crue, debout avec leurs pans géométriques, au milieu des bandes de verdure jaunâtre et des reflets lustrés des flaques immobiles ; tout à l’entour la coupe crevassée, rayée, des collines, vieilles pierres lézardées qui semblent avoir été tour à tour raclées avec un couteau et incrustées de lichens.

Le lac a des profondeurs de trente pieds et de larges espaces presque à fleur d’eau où pullule le vert blafard et bleuâtre des végétations sous-marines, brindilles monotones, sortes de mousses amphibies parmi lesquelles se tapis-