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un sou le litre. — Le raisin est délicieux et pour rien. À Toulouse il paye un sou d’entrée, et on le vendait un sou et demi sur la place. — Avec la chaleur qu’il fait, il ne faut pas plus d’habits qu’en Italie. La nature est trop bonne ici : plus elle nous gâte, moins nous faisons ; le principe est toujours le même : pour franchir un fossé de dix pieds, il faut un saut de douze. — La fécondité et la persistance de l’invention humaine sont proportionnées à la résistance de la nature.

Ce vin ne se conserve pas, n’est guère transportable. Ils le font trop mal, trop négligemment, quand la grappe est trop mûre, avec des tonneaux trop sales, etc.

Pendant la promenade que j’ai faite sur le lac, mon matelot, mangeant son raisin et buvant sa grosse gourde de vin, me parlait dans le même sens. Il a servi dix ans comme matelot sur les vaisseaux de l’État ; il a vu Londres, le Mexique, Ceylan, Batavia ; il est rentré, s’est marié à quarante ans, a un enfant, une vieille barque à voile, fait des transports de Berre à Martigue et, l’hiver, pêche un peu. Dans deux ans, à cin-