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parée pour son mariage, a mis son peigne d’or dans ses cheveux, ses colliers de perles à son cou, ses diamants à ses oreilles et que tous les joyaux de son écrin éclairent de leurs flammes sa chair rosée et vivante, elle attache sur son front un grand voile blanc qui flotte. Mais son visage le remplit de lumière, et la gaze dont il semble se cacher lui fait une gloire qui l’illumine. De même ces rochers, ces parois de marbre brisées sous l’air vaporeux qui emprisonne et étale sur eux toute la magnificence du soleil. Tout le pays a été mangé. Pierres, rocs cassés, longues arêtes décharnées qui trouent une guenille d’herbes sèches ; la végétation a disparu à demi et n’a laissé que la carcasse du sol. — La civilisation est trop ancienne sur cette terre, l’homme l’a rongée jusqu’aux os. Mais la voici qui se relève et la chair lui revient ; on défriche la Crau et on la met en vignes qui donnent un vin puissant et chargé d’alcool ; on irrigue les plaines sèches, et la Durance arrive maintenant à Marseille sur un aqueduc énorme. — C’est Marseille, comme un suçoir puissant, qui aspire la vie et la répand autour d’elle ;