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Le trait le plus saillant et qui produit le plus de bien comme aussi le plus de mal, est celui-ci : le constructeur de la France semble s’être dit qu’il y a un certain nombre de bonnes choses et qu’il faut que chacun en ait un morceau ; que nul n’ait un très gros morceau, mais presque tous un petit ou un médiocre. Les généraux de division, évêques, proviseurs, recteurs, directeurs, etc., arrivent à 15 000 francs ou environ. Les petits traitements de 1 200 à 3 000 francs foisonnent. Chacun avance un peu tous les trois ou six ans ; augmentation de 100, de 500 francs, une croix de chevalier, puis d’officier. On s’occupe d’eux dans leur vieillesse par les retraites et les pensions de veuves ; dans la vie, il y a l’avancement graduel, chacun aperçoit à peu près où il en sera dans vingt ans ; les grandes injustices flagrantes sont presque impossibles. Beaucoup de petites gênes, mécontentements, envies, espérances, dépenses, économies, mais point de désespoirs éclatants. C’est la vie rationnée ; chacun se serre le ventre et attend en grognant quelque peu.

Ici le professeur de mathématiques spéciales