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national trouve ici son développement. — À côté, nous avons traversé le marché, un gros pâté rond, bas, vulgaire, empli de boutiques à vingt sous et de paysans qui viennent le fournir.

Comme on sent bien, par une seule de ces promenades, l’état social de la France ! Comme tout le corps de la nation est bas, encore voisin des serfs et des bourgeois du Moyen âge, avec les fonctionnaires en guise de nobles ! Ces fonctionnaires, sans les consulter et d’en haut, leur fournissent des marchés, des collèges, des tribunaux, mettent le holà. En somme, la masse a ce qu’elle veut : la petite vie bourgeoise et la faculté de vendre son blé, sa récolte, comme elle l’entend.

J’ai pensé à cela depuis que je fais ce nouveau métier. En somme, sauf la friponnerie naturelle et les grandes filouteries en haut lieu, bref, en défalquant les Rastignac et en ne prenant les choses qu’en gros, ce pays-ci a atteint un haut degré de justice et de bien-être. L’égalité y est pratiquée ; il n’y a pas de faveurs, même envers les très nobles et les très riches ; on juge abstraitement et sans savoir les noms.