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la vie devient trop chère. Beaucoup de sergents-majors qui pourraient passer sous-lieutenants répondent au général inspecteur : « Mon général, j’aurais pu travailler et apprendre pour être officier. Mais j’ai réfléchi qu’il faudrait attendre dix ans, que ma famille est pauvre et ne pourrait m’aider. J’ai mieux aimé, dans mes moments libres, apprendre la tenue des livres. Après mes sept ans, j’entrerai chez un négociant. »

La pension pour les lieutenants et les sous-lieutenants coûte soixante francs par mois, plus cinq ou six francs au moins de vin et d’extras. Ceux qui ne sont pas aidés par leur famille manquent parfois de lumière et de feu le soir, chez eux. Ils se promènent dans les rues noires. Ennui énorme au café et regards envieux sur l’annuaire.

Les plus heureux sont des paysans bons sujets qui se réengagent et, après trois congés, à quarante-deux ans, avec leur pension et leur prime, rentrent chez eux, achètent un lopin de terre et se marient.