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XVIIIe siècle, gaies, joyeuses, fines, sensuelles souvent, mais toujours pleines d’esprit et de bonne humeur.

Ces larges rues droites, auxquelles le temps a ôté l’air mécanique et administratif, cette belle place monumentale et pompeuse, ces grilles de fer ouvragé ornées de feuillages d’or, ces toits à balustres avec des rangées de flammes et de statues, ces lointains des rues qui prolongent la place à perte de vue, ces colonnades de vieux arbres, et, à l’horizon, ces graves et belles collines qui encadrent la ville, donnent un air de grandeur ou du moins de dignité véritable. — Un portique, une colonnade, une façade de palais quand elle a de l’unité, quand tout n’est pas composé de pièces rapportées, quand l’idée bien décidée d’un siècle entier s’y exprime, transporte à l’instant l’âme au-dessus de la platitude de la vie ordinaire. Une pareille ville de province pourrait devenir un centre, ressembler à Heidelberg.

Hier soir, dans la nuit, la grande église élevait ses deux dômes et sa riche façade ornée, belle et agréable comme la façade d’un vieil