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de vue, dans la plaine immense, l’eau ondule et se plisse, rousse ou rougeâtre selon les accidents du sable où elle s’étend, bleue et brillante aux endroits où elle est plus profonde, traversée de rayons d’argent, pailletée d’étincelles d’or. Derrière, une longue bande de plaines basses ou de hauteurs insensibles azurées ou fauves, d’un ton aussi riche, aussi fondu que chez Decamps ; sur cette énorme bordure noyée, les petites taches blanches des maisons éparses. — Plus loin, les dos ronds des collines, la croupe onduleuse d’un violet pâle, et le ciel infini parsemé de nuages de duvet, où le soleil s’abaisse. Tout cela est grand ; il n’y a que trois ou quatre lignes, toutes architecturales ; la campagne est un cirque comme chez Poussin, mais, outre la ligne de Poussin, il y a la couleur et la richesse. — On pourrait retrouver ici la noble vie antique, y placer une cité maritime, guerrière, artiste. — Les petites vallées, les champs cultivés, les enclos dans l’intérieur des terres, les pommiers et les terres à blé du Nord et du centre sont faits pour des paysans et des rentiers.

Cette mer rend tout noble. Entre elle et nous,