Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/205

Cette page a été validée par deux contributeurs.

enfants sales, au museau barbouillé de vieille crasse ; les plus grandes maisons inhospitalières d’aspect, fermées sur le dehors et silencieuses comme des cloîtres ; les moindres, les échoppes, les maisons d’ouvriers, ont la porte toute grande ouverte pour laisser entrer l’air, une sorte de rideau bleuâtre la remplace ; à travers les ouvertures, la vue d’une noirceur étrange ; parmi des casseroles, vases de tout genre, outils, habits, linge d’enfant pêle-mêle, une femme nettoie son nourrisson, une autre, immobile, la regarde. L’aspect n’est pas français, mais italien.

Plusieurs femmes du peuple ne parlent pas français, je l’ai vu en demandant mon chemin. Il y a quelques années, un jeune homme bien élevé, de famille noble, me disait qu’ici vers 1789, chez l’intendant, sa bisaïeule et la plupart des autres dames ne savaient parler que la langue d’Oc.

Tout est chant dans leur langage ; on dirait des Italiens plus légers et plus enfants. À les écouter, on a peine à croire qu’ils parlent sérieusement ; ce sont des polichinelles gentils. Et quelle familiarité ! quelle audace ! Leur civilisa-