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pignons ballottés par le flot transparent. — C’est là un spectacle comme en ont vu les premiers hommes : une terre vierge, du sable et toujours du sable. Des pins, puis encore des pins, quelques ajoncs, quelques traînées de plantes grimpantes entre les troncs résineux qui suintent, un sol primitif, simple dépôt de la mer, peuplé par une seule espèce de plantes ; puis la grande eau, sa mère, qui l’enveloppe de ses replis, et le ciel éblouissant de blancheur lumineuse qui aspire les parfums et la sève. — Tout à l’entour, des marais, des morceaux de plages sablonneuses et luisantes, tour à tour inondés et découverts, rien d’humain ; une œuvre nue et brute, les premières végétations encore toutes barbares sur le lit délaissé de la grande eau primitive. — Quand les premiers navigateurs sont venus ici sur leurs pirogues, ils ont trouvé peut-être quelques hérons, une mouette, un épervier comme celui qui planait tout à l’heure au-dessus du bleu des vagues, parmi la magnificence de rayons célestes épanchés dans la blancheur. Ils ont débarqué ; leurs pieds, comme les nôtres, se sont enfoncés dans la grève ; ils ont entendu