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sortes de claies pour les maintenir. On oublie tous les autres bruits, on se figure ce petit murmure incessant du sable qui fond, s’écoule ou s’entasse. Leurs longues raies frangent l’eau bleue d’une blancheur mate et forte ; elles n’ont point d’étincelles, mais il n’y a pas de plus beau cadre que leur puissante couleur. — Au-dessus d’elles et avec elles, ondoient les forêts de pins. Point d’autre arbre, on n’aperçoit que ce vert, aussi solide que la blancheur du sable. La vivante frange des forêts monte et descend, puis par derrière s’enfonce à l’infini avec des creux et des bosselures. Quelques têtes crénellent l’horizon ; tout cela respire et épanche une vague odeur d’aromates qui se mêle avec la brise salée de la mer. Cependant l’eau bleuâtre roule, çà et là brodée d’argent, dans sa ceinture de plages blanches et de forêts vertes. C’est un grand port, une sorte de refuge naturel où les êtres tranquilles peuvent pulluler et s’abandonner à l’abri des violentes vagues de l’Océan ; les méduses flottantes passent à chaque minute sous leur grand capuchon, étendant le réseau de leurs tentacules comme d’énormes cham-