Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/189

Cette page a été validée par deux contributeurs.

messe et a lu le Charivari, attentif à faire son chemin, mais par la filière, à la façon des bœufs ; ayant pour souverain plaisir de manger un melon en famille, agissant peu, patient, pliant le dos, jamais révolté, fonctionnaire de cœur et de naissance, avec un sourire discret et des yeux ternes ; solidement fourré dans un bon habit et solidement établi sur ses larges pieds ; le plus médiocre des hommes, utile, durable, plat, vulgaire et propre comme un trottoir.

Du reste, ici comme à la Flèche, comme partout, on se déchire ; les petits fonctionnaires vivent comme chiens et chats : faute de débouchés, toutes les piqûres s’aigrissent. J’ai entendu d’amis intimes à amis intimes des cancans atroces. D’ailleurs, pour qu’un récit soit intéressant, on le rend littéraire, on exagère, on met en saillie, et plus on frappe fort, plus on est amusant.