Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de 250 000 francs. Il a fallu envoyer un préfet spécial, M. L…, très habile, pour le contre-balancer. Au bout de trois ans, celui-ci était las, et s’en est allé. Pourtant il avait pris pied. À son arrivée, sachant que les visites du préfet dans le monde aristocratique n’étaient point rendues, il était resté chez lui, contrairement à l’usage. Puis, en revanche, il avait fait visite à tous les négociants, industriels, avoués, notaires, louant la bourgeoisie utile qui travaille, raillant la noblesse oisive qui moisit. Il avait charmé ces gens-là, les avait reçus chez lui, avait donné ou provoqué des fêtes. Il y eut deux bals par souscription, chacun de sept cents personnes. Effet énorme ; jusque-là les légitimistes répétaient toujours que le commerce dépendait d’eux, et que, tant qu’ils resteraient chez eux, les industries de luxe mourraient de faim.

Ces nobles ont quantité d’enfants, n’ayant autre chose à faire ; dans telle famille il y a vingt-trois maîtres à table. Nulle occupation, nul emploi : ce serait déroger. Chaque enfant a son cheval ; partant, dépenses et gêne fréquente. Dans tout le voisinage, il n’y a que deux ou trois