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main qui s’accroche aux parois les arrache par plaques.

La mer a torturé et déchiré le rocher ; à son tour il la déchiquette et la tourmente. Il la brise et la découpe en cent façons, il la contraint d’entrer dans des chenaux tortueux, de sauter de petites écluses, de s’étendre en des étangs, de rebondir contre des digues. Chacun de ces accidents du sol a sa végétation et ses habitants, chacun d’eux est comme une mer primitive. — Les patelles y collent leur solide cône ; les astéries rougeâtres, implantées dans les flaques étroites, étendent lentement leur cercle de tentacules ; les moules bleuâtres allongent leurs colonies dans les fentes des rochers, et la vie est si abondante, qu’à peine nées elles s’incrustent de ces imperceptibles coquillages blanchâtres dont le rocher est revêtu. Dans les canaux d’eau tranquille, les longues algues développent leur traînée flexible. — Les creux profonds rassemblent des peuplades serrées de coquillages entassés. Tout cela luit : l’eau transparente étend une teinte de pâle topaze sur son lit bleuâtre. D’autres fois, rebondissante, elle humecte le