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poussière, ni tumulte, ni mauvaise odeur. Ah ! comme on se repose de Paris !

Et surtout, comme on rêve naturellement au bonheur calme ! Avoir une maison à soi, tout entière en briques vernies… Les fenêtres seraient larges, on verrait des peupliers dans le lointain, et tout auprès serait un canal avec des bords bien sablés où l’on se promènerait tous les soirs à cinq heures. Une femme blanche et fraîche, point maigre, avec une figure ronde et placide, s’épanouissant naturellement comme une tulipe dans un vase rempli de bonne terre et ne s’ennuyant jamais. Des domestiques feraient leur service sans se presser, ponctuellement, chaque chose à la même heure ; on ne les gronderait pas, ils ne songeraient pas à voler, ils mangeraient amplement, ils se coucheraient à neuf heures, ils ne seraient pas mécontents d’être domestiques. Le maître aussi se coucherait à neuf heures, il mettrait tous les matins une chemise blanche, il aurait une petite voiture peinte en vert, une cave sablée pleine de vieux vins de Bordeaux ; il inviterait ses amis ; la nappe, le linge seraient d’une