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rible… Ses gros flots écument contre les arbres. Il paraît que le temps est fort souvent pareil.

Vilaine population ; beaucoup de goitres. Mes jeunes officiers disent que les cheveux et les dents tombent vite.

Le sous-lieutenant qui m’aidait aux examens de gymnastique a voulu absolument m’avoir à dîner à la pension des lieutenants et sous-lieutenants. On n’y est pas mal ; à peu près comme dans notre pension de Poitiers ou de Nevers. Salle étroite oblongue, au bout d’un escalier suintant, lugubre, avec un seul bec de gaz.

Les jeunes officiers se plaignent de leur gêne, quoiqu’ils aient trente francs par mois de supplément. Ici la vie est si chère ! Impossible d’aller au café, de prendre le moindre plaisir, si l’on n’a pas de secours de sa famille. Et ils passent la moitié de la journée au café ! Le gouvernement fait ce qu’il peut. Les militaires ne payent rien pour passer les ponts, ne payent que demi-place au théâtre, quart de place au chemin de fer. Un officier a un mois de congé par an, et, tous les deux ans, trois ou six mois, qu’il passe dans