Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je sortais de Paris, où j’avais vu l’illumination du 15 août, le fourmillement sur les places, dans la fournaise poussiéreuse, les murs blancs, les figures actives, ravagées, les pauvres diables, servantes, ouvriers, qui venaient avaler une goutte de mauvais plaisir, faux comme du coco frelaté ; j’avais senti l’âcre odeur universelle, la sueur et la poussière humaine, l’enfer de l’activité fiévreuse, la maladie du désir inassouvi. — Ici, une chaleur moindre, et le lendemain, la pluie ; des maisons de brique à hauts toits Louis XIII, à cheminées solides et monumentales, des croisées à petits carreaux, à dômes ; rien d’improvisé, rien pour la parade, tout pour la jouissance durable. — Quelques promeneurs dans les rues ; un son de bourdon lointain ; çà et là, dans les boutiques, un marchand, une femme qui lit ou regarde, assise dans sa robe du dimanche. C’est un plaisir suffisant que de se faire belle et de se reposer. — Une propreté parfaite et souvent du goût : toujours de l’espace, de l’ampleur, rien d’étriqué. Beaucoup de maisons ont une devanture, un toit qui a son caractère ; rien de sem-