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et les ouvriers sont des commis qui souvent, pour prix de leur indulgence, prennent la fille de l’ouvrier.

Je suis entré chez un canut pour demander mon chemin ; l’homme dormait sur son métier — pauvre figure jaunâtre, maigre, avec une barbiche noire, des yeux battus. — Beaucoup de ces ouvriers doivent travailler debout ou courbés, ce qui est malsain. Ils ne font pas d’économies, et les chômages sont terribles.

En voyant ces énormes escaliers, ces rues mornes de la Croix-Rousse, cette vie de machine traversée d’inquiétudes douloureuses, on se dit que tout cela est pour donner à nos femmes des robes de soie. Tant de misères pour une si petite jouissance ! Voilà ce qui fait des socialistes. — Par contre, posez que les lois qui gouvernent le travail sont immuables, que si vous établissez le maximum, les emprunts forcés, bref, une sorte de contrainte sur les riches, les capitaux se cacheront, s’enfuiront, etc. Les ouvriers anglais savent que plus les capitaux sont abondants et se font concurrence, plus les