gent à rendre la soie tissée tel jour. Chaque ouvrier est libre et indépendant, débat ses prix tout seul, fait concurrence à ses confrères. Le patron n’a pas, comme nos amis de Senones et d’Allevard, une pépinière d’hommes dont, par intérêt, il est tenu de prendre soin[1]. Pas d’ouvrage d’avance ; sitôt qu’il y a un ralentissement dans les commandes, l’ouvrier jeûne. De plus, sa situation vis-à-vis du patron est belligérante ; dès que deux hommes traitent seul à seul, c’est à qui des deux enfoncera l’autre. — De là, une haine réciproque ; voyez les insurrections de 1831, 1835 ; il y a trente mille hommes de troupe ici.
En outre, concurrence de l’Angleterre, qui tâche de former une pépinière d’ouvriers artistes, et de la Suisse, qui travaille à bon marché. Un ouvrier gagne ici de 1 fr. 25 à 6 francs, en moyenne 3 francs. On leur livre la soie, ils en volent, puis mouillent le reste pour rendre le même poids : de là deux cents procès par an. — Les intermédiaires entre les gros fabricants
- ↑ Ceci est écrit en 1863 ; on sait les progrès accomplis depuis vingt ans dans les rapports de patron à ouvrier, grâce à MM. Mangini, Aynard, etc.