Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/132

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui passe, la jugeant et la critiquant tout haut. — Elle se plaint de la grossièreté des gens, même bien vêtus, qui regardent et lorgnent une femme sous le nez, l’accostent, la suivent, ou gardent le trottoir de façon à l’obliger à descendre dans le ruisseau.

La vie est chère ici. Mon cocher de fiacre me dit qu’une chambre d’ouvrier, sous les combles, non meublée, coûte 15 francs par mois ; mais les salaires sont assez élevés. Par exemple, un charpentier gagne 7 francs par jour, un tailleur de pierres, 4 fr. 50 ; un maître portefaix, de 30 à 50 francs ; un portefaix simple, de la corporation, 12 francs. Il est vrai qu’ils sont probes. — Ils sont ici de quinze à dix-huit cents, formant l’aristocratie populaire. En 1848, ils ont empêché la ville d’être pillée par les ouvriers piémontais et toute la canaille qui y pullule. On a eu peur de leurs poings. — Un maître portefaix, représentant du peuple en 1848, a donné sa démission au bout de trois mois, ne voulant plus rien avoir de commun avec les « bavards et intrigants » qui, d’après lui, composaient l’Assemblée.