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immobile dans sa coupe de montagnes blanches.

Un souterrain noir, long de plus d’une lieue, puis tout d’un coup la haute mer, Marseille et ses rochers ; j’ai poussé un cri : « Oh ! que c’est beau ! » — Un immense lac qui vers la droite n’a plus de fin, rayonnant, paisible, dont la couleur lustrée a la délicatesse de la plus charmante violette ou d’une pervenche épanouie. Des montagnes rayées qui semblent couvertes d’une gloire angélique, tant la lumière y habite, tant cette lumière, emprisonnée par l’air et la distance, semble être leur vêtement. Les plus riches ornements d’une fleur de serre, les veines nacrées d’un orchis, le velours pâle qui borde les ailes d’un papillon n’est pas plus doux et à la fois plus splendide. Il faut avoir recours aux plus beaux objets du luxe et de la nature pour trouver des comparaisons, aux jupes de soie ruisselantes de lumières, aux broderies qui rayent une moire, à la chair rose et vivante qui palpite sous un voile ; et quant à ce soleil qui flamboie, et de sa torche immobile verse comme un fleuve d’or sur la mer, rien au monde ne peut en donner l’idée ni en fournir l’image.