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plusieurs autres encore à un très-haut degré. Le plus grand éloge qu’on puisse faire du coloris d’un tableau, c’est de dire qu’il est beau comme celui du Titien : son coloris, en effet, est riche et vrai, doux et vigoureux, et toujours harmonieux ; il rend l’éclat des draperies, et la fraîcheur, la transparence des chairs. Si Raphaël est l’Apelle moderne, Titien est le moderne Zeuxis : son siècle et la postérité lui ont donné cette place ; il la doit sans doute à son rare talent ; il la doit aussi à l’avantage qu’il eût de vivre beaucoup plus que le Giorgion. Ce fut le Giorgion qui, élève de Jean Bellin, perfectionna la manière de son maître, et qui, le premier, fit des tableaux d’une couleur brillante et douce, d’une harmonie suave et fière ; mais il mourut à 34 ans : il a laissé peu d’ouvrages, et n’est guère connu que des artistes ; le Titien, au contraire, a vécu 99 ans, a été aimé, honoré par les grands, les riches, les savans, les vertueux, par plusieurs souverains puissans ; il a rempli l’Europe de ses tableaux, qui ont été célébrés par tous les poëtes de son temps. Si le Giorgion eût vécu autant que le Titien, peut-être ce dernier n’auroit que la seconde place. Il est à remarquer que