avec des enthousiasmes de séraphin déplumé, Emmanuel Signoret à qui ses longs cheveux, sa voix de ténor poitrinaire, ses yeux d’azur et ses ongles de bitume donnaient l’apparence d’un Galaor miteux, d’un Parsifal tombé dans la débine, d’un héros vierge, vierge surtout de brosses et de bains. Quelques autres : MM. Mathias Morhardt, qui ne s’adonnait encore point à cultiver les Droits de l’Homme ; Edouard Rod, que l’on devait, plus tard, surnommer « Anatole Suisse » ; Charles Vignier, pique-assiette résolu et poète évanescent, par la suite enrichi dans le négoce du bric-à-brac ; Rodolphe Darzens, que le commerce des voitures allait bientôt ravir au char d’Apollon. Ces jeunes hommes préludaient, se communiquaient des vers, des essais, des poèmes en prose, dans la fumée acre des pipes et l’odeur atroce des alcools. A qui mieux mieux, ils se vilipendaient.
Un aimable visage entrait parfois dans cette cage de fauves qu’était le Soleil d’Or. Il se nommait Albert Samain. C’était un grand garçon doux, réservé, un peu timide, avec une parole voilée et grise qui n’était pas