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bant la tête, asservi sous le joug des sycophantes, choisis résolument et pour toujours :

D’un côté, l’honneur, l’intelligence et la vertu ; de l’autre, la honte, la superstition et le crime !

D’un côté, le passé ; de l’autre, l’avenir.

À toi d’orienter ta route et de connaître ton devoir. Sache si tu veux être un homme doux et fraternel, au lieu du tueur qui sacrifie trois années de sa vie à étudier l’art de donner la mort.

Je ne te prêche pas la rébellion ouverte, comme le désirent sans doute les mouches de la préfecture et les magistrats du Palais. Si mes conseils te détournent de la désobéissance flagrante ; si j’obtempère de la sorte aux injonctions des Lois scélérates, ce n’est pas, je crois l’avoir montré, que je fasse grand état de leur vindicte et de leurs inhibitions. Mais j’estime qu’une révolte isolée, un cas d’exception, le témoignage solitaire d’un grand cœur ne sont d’aucune efficacité dans le combat que nous menons. L’irrégulier attire sur soi les foudres brutales ou sournoises d’un monde fou de lâcheté. Les pouvoirs sociaux se prêtant main forte contre quiconque leur parait suspect d’attenter au régime établi.

Évite donc les tempêtes dans un verre d’eau, les séditions en miniature. Ne sois un réfractaire ni un déserteur. Tu n’es pas le plus fort : sois le plus intelligent. N’insulte point tes officiers ; ne prêche pas l’antimilitarisme. Mais pense librement ! Mais entretiens comme une flamme précieuse ta croyance libertaire ! Qu’elle brille sur ta vie, ainsi qu’une étoile secourable ; qu’elle te conduise sans naufrage et sans retard vers le port de la libération !

Reste maître de toi-même. Ne consens jamais à des actes que, libre et seul juge de tes actions, tu regarderais comme infâmes ou scélérats.

Ne tue pas ! Et, si l’on te prescrit de tuer, refuse d’obéir, cette fois, comme les Quakers d’Angleterre et les Doukhobors de Russie. Ne tue pas ! C’est la loi, non chrétienne, mais universelle, précepte d’amour et de solidarité que nul ne peut abroger, mais que tous doivent accomplir.

La plupart de tes compagnons ont fait serment de ne pas tirer sur les mineurs, de ne pas ouïr le commandement fraticide. Oseront-ils davantage braquer leurs armes sur leurs frères d’Angleterre, d’Italie ou