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dans la mécanique détestable qui, sous le nom d’armée et sous prétexte de défense publique, annihile tout ce que les hommes de ton âge portent dans le cœur et dans l’esprit de bon, de généreux et de sensé.

Dans cet enfer de la caserne, dans cette école du crime, tu vas devenir une machine à donner la mort. Avec ton harnais de guerre, ton fusil, ta baïonnette, par le sabre et par le revolver, tu imposeras aux malheureux, tes frères, l’autorité malfaisante des riches et des ventrus. Toi, qui ne possèdes pas un lopin de terre, pas une pièce d’or, tu te feras le gardien de la propriété ; hélas ! tes vingt ans rendront paisible le sommeil des parvenus sexagénaires, à moins que ton sang n’aille, dans les pays équatoriaux, engraisser le territoire enlevé par violence aux peuples indigènes, pour l’accroissement des larrons, prêtres, soudards ou financiers. Tu veilleras sur la Banque de France, et les caves où s’engloutit, au profit de quelques-uns, l’or péniblement amassé par l’effort de tous. Tu veilleras en faction devant la porte des bals où tes officiers vendent aux enchères leurs grâces d’étalons, où ces hommes entretenus, débattent le tarif de leurs charmes à travers les musiques langoureuses et les tièdes parfums.

D’autres « devoirs » t’appelleront encore. Bientôt peut-être, comme à Châlons, comme à la Martinique, bon gré mal gré, tu te feras le meurtrier de tes frères et ton glaive rouge sera teint dans le sang de prolétaires comme toi.



Camarade, il te faut, à présent, vouloir. Il te faut à cette heure décisive de ton existence, opter pour le bon ou le mauvais chemin. Entre un homme libre, conscient, aimant ses frères de douleur, et le butor sanguinaire, hébété par d’infamantes idoles, cour-