Page:Tailhade - À travers les grouins, 1899.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce n’est pas, comme l’ex-député de Nancy, un avorton malsain, un fœtus arraché avant terme, il n’a pas le dos voûté, l’eunuchisme, l’indigence pileuse de Barrès. Il n’en a pas non plus la méchanceté froide, l’élégance rastaquouère, le manège, l’impudent égoïsme, — l’ambition forcenée inhérente aux castrats. Si sa vie publique est celle d’un marchand de contre-marques.

Il semble à qui l’approche capable de sentiments humains, d’une bonté sans élévation, de modiste ou de bureaucrate. Ses gestes d’un collégien que fatigue la croissance ne manquent de rondeur ni de cordialité. Chose inconnue à l’Ennemi des lois, Thiébaud a de la barbe avec de belles dents.

Ce n’est pas un monstre, c’est un inachevé. Le nez petit, mollasse trop loin de la bouche, surprend par sa candeur, par son indécision. Le fashionable d’Edgard Poë eût ajouté, pour ce nez-là, un chapitre à sa Naséaulogie. C’est le nez badaud, élastique, insurrectionnel du gavroche parisien, le nez du mitron suiveur d’émeutes. Les cartilages en sont restés mous. Nulle volonté ne l’ossifie. Il est le trait essentiel, la marque physiognomonique d’un subalterne que nul cataclysme ne saurait affranchir.