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A TRAVERS LES GROUINS

dignes bourgeois. Ses opinions prépondéraient devant le Sanhédrin. Les vierges impubères n’avaient rien que de favorable à ses désirs. Il recevait les gens de Bourse, les marchands du Désert, les trafiquants nomades. Pour les divertir, il amenait à grands frais des Oulels-Naïls de la Cyrénaique, des montreurs de singes et des ténors. Il louait parfois des académiciens, afin d’essuyer ses babouches dans leur creux poplité. L’on rencontrait chez lui Sully-Prudhomme, fils de Joseph, qui, sourd, timide et vierge irréductiblement, portait en plein visage, sous forme d’eczéma, sa croix de commandeur. Pierre Loti, dans ses voiles de bayadère, y fréquentait, s’oubliant, parmi les antichambres à causer de trop près avec les larbins noirs. Jean Lorrain y crachotait, en suceuse experte des médisances bordelières, de quoi les vieilles dames se pâmaient.

Doncques, pour fêter le solstice d’hiver et l’aube du grand jour annuel, on buvait ferme chez Simon. La salle du festin éclatait de joyaux, d’orfèvreries, de lumières et de vins. Sur une haute estrade, vêtus de costumes bariolés, incommodes et somptueux, des musiciens bariolés concertaient doucement. Les sambuques, les violes d’a-