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tent en sautant au milieu des glaives et des framées menaçantes. Pour eux, c’est un jeu dont l’habitude a fait un art, et l’art a même donné des charmes et de l’élégance à ce spectacle, qui jamais n’a lieu pour aucun salaire ; il est toutefois un prix à leur adresse audacieuse, le plaisir des spectateurs. Mais ce qui étonne, c’est de les voir, étant à jeun, se livrer, comme à des affaires sérieuses, aux jeux de hasard, avec une ardeur si téméraire dans le gain et dans la perte, qu’après avoir tout perdu, ils en viennent à jouer, par un dernier coup, leur propre liberté et leurs personnes. Le vaincu subit cette servitude volontaire, et, quoique plus jeune, quoique plus robuste, se laisse garotter et vendre sans résistance : telle est, dans une chose si honteuse, leur résignation ; ils l’appellent bonne foi. Us échangent promptement les esclaves obtenus par ce moyen, afin de s’affranchir sans doute de la honte d’une telle victoire.

XXV. Leurs autres esclaves ne servent pas comme les nôtres, avec des emplois distincts dans la maison. Chacun régit à son gré sa demeure, ses pénates ; le maître exige seulement une certaine redevance en froment, en bétail ou en vêtement, comme d’un fermier, et la servitude ne va pas au delà. Quant aux détails de la maison, l’épouse et les enfans s’en chargent. Il est rare qu’ils frappent un esclave, qu’ils le punissent en le chargeant de liens ou par excès de travail ; s’ils en font périr, ce n’est point pour infliger un châtiment ou donner un exemple ; c’est par emportement et par fureur, comme s’ils tuaient un ennemi, à cette différence près, qu’ils le font impunément. Leurs affranchis ne sont guère au dessus des esclaves ; rarement ils ont quelque influence dans la maison ; jamais ils n’en ont dans la