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précédentes, paraissent leur avoir donné plus de carrière ; lorsque, dans ce trouble général, on manquait d’un modérateur unique, l’habileté de chaque orateur consistait dans son plus ou moins de persuasion sur un peuple errant sans guide. De là ces lois sans cesse proposées et ces noms devenus populaires ; de là ces harangues de nos magistrats restant des nuits entières à la tribune ; de là ces accusations contre les puissans, ces inimitiés vouées à des familles entières ; de là ces factions des grands et ces luttes renouvelées du sénat contre le peuple : toutes choses qui, bien qu’elles déchirassent la république, exerçaient cependant l’éloquence de ces temps et paraissaient lui offrir de très-grands avantages ; parceque, plus on avait la puissance de la parole, plus facilement on acquérait les honneurs ; plus, dans ces mêmes honneurs, ou l’emportait sur ses collègues ; plus on obtenait de faveur auprès des grands, d’autorité auprès des sénateurs, de renom et de célébrité auprès du peuple. Les clientelles des nations étrangères affluaient vers ces orateurs ; nos magistrats, partant pour leurs provinces, leur apportaient leur respect ; à leur retour, ils les visitaient ; les prétures et les consulats semblaient les appeler : simples particuliers, alors même ils n’étaient pas sans pouvoir, puisqu’ils régissaient et le peuple et le sénat par leurs conseils et leur autorité : bien plus, eux-mêmes étaient persuadés que personne, sans éloquence, ne pouvait dans l’état ou parvenir à un rang éminent et remarquable, ou s’y maintenir. Et cela n’est pas étonnant, puisqu’on était souvent conduit vers le peuple même malgré soi ; lorsque c’était peu d’opiner brièvement au sénat, si l’on n’appuyait son opinion par le talent et l’éloquence ; lorsque, victime de l’envie ou