Page:Tacite - Oeuvres complètes, trad Panckoucke, 1833.djvu/377

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ou ne peut l’être, on ne le fut jamais, si, semblable au guerrier armé de toutes pièces, on ne paraît pas au Forum armé de toutes les sciences. Ce conseil est tellement négligé par les habiles de notre époque, que, dans leurs plaidoyers, on découvre toujours, comme la lie du parlage vulgaire, des défauts eloquans et honteux ; on y voit qu’ils ignorent les lois, ne possèdent pas les sénatus-consultes, se rient du droit civil, redoutent l’étude de la sagesse et les préceptes de l’expérience, et réduisent aux plus petits développemens, et à d’étroites pensées, l’éloquence qu’ils ont comme chassée de son empire : de sorte que cette souveraine de tous les talens, qui jadis remplissait les cœurs de toutes ses magnificences, aujourd’hui mutilée et amoindrie, sans cortège, sans honneurs, je dirais presque sans noblesse, est apprise ainsi que le plus vil métier. Telle est, suivant moi, la cause première et principale de notre éloignement île l’éloquence antique. Si l’on veut des témoignages, en pourrai-je produire de préférables à celui de Démosthène chez les Grecs ; Démosthène qui, dit-on, fut un des plus studieux élèves de Platon ? A celui de Cicéron, qui dit en propres termes que ses succès dans l’éloquence sont dus non pas aux rhéteurs, mais à la fréquentation de l’Académie. Il est d’autres causes importantes et graves que vous trouverez bon d’exposer, puisque, moi, j’ai rempli ma tâche, et, selon ma coutume, offensé assez de gens qui, s’ils m’eussent entendu, diraient certainement, qu’en louant la science du droit et de la philosophie comme indispensable à l’orateur, je n’ai fait qu’applaudir à mes propres inepties.