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parvenir, ils comprenaient bien qu’il faut, non pas déclamer dans des écoles de rhéteurs, non pas exercer sa langue et sa voix à des controverses feintes et opposées à la vérité, mais nourrir son esprit des sciences qui établissent les différences du bien et du mal, du juste et de l’injuste, des choses honnêtes et des choses honteuses. Telle est, en effet, la matière où s’exercent les talens d’un orateur ; car, dans les jugemens, on disserte presque toujours sur l’équité ; dans les délibérations, sur la probité ; souvent, sur l’une et sur l’autre à la fois. Peut-on parler avec abondance, avec variété, avec talent, si l’on n’a pas approfondi la nature humaine, la puissance de la vertu, les excès du vice, et si l’on ne distingue ce qui ne peut être compté ni parmi les vices ni parmi les vertus ? De ces sources découlent encore ces avantages, que vous pourrez bien plus facilement ou exciter ou calmer le courroux du juge, si vous savez ce que c’est que la colère ; on le déterminera plus promptement à la compassion, quand on saura ce que c’est que la pitié, et par quels ressorts l’âme y est excitée. Formé par ces exercices et par ces études, l’orateur, qu’il ait à parler soit devant des ennemis, soit devant des ambitieux, soit devant des envieux, soit devant des caractères sombres, soit devant des gens timides, tiendra en ses mains les rênes des esprits ; et, selon que la nature de chacun le demandera, il saura les gouverner, tempérera son discours, et sera maître de tous moyens utiles et réservés à tout usage. Il est des gens qui ont plus de foi dans un genre d’éloquence serré, compacte, et qui conclut de suite à l’argument ; auprès d’eux l’art de la dialectique sera très-utile. D’autres se plaisent davantage à un discours abondant, égal, et qui suit les règles du bon sens