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raient les anciens, et, lui, il préférait l’éloquence de son époque, et par nulle autre chose il ne devança les orateurs de son siècle plus que par son jugement. Le premier il polit le langage, le premier il fit choix des expressions et composa avec art ; il risqua même quelques morceaux brillans, donna un tour neuf à quelques sentences, particulièrement dans ces oraisons qu’il produisit étant déjà vieux et près de sa fin, c’est-à-dire après qu’il eut mûri son talent et appris, par l’usage et l’expérience, quel était le meilleur genre d’éloquence. Car ses premiers discours ne sont pas exempts des défauts de l’antiquité : il est lent à ses débuts, long dans ses narrations, oiseux dans ses digressions ; il s’émeut tardivement, rarement il s’échauffe ; peu de ses phrases se terminent avec convenance et un certain éclat ; on ne peut rien détacher, rien retenir ; et, comme dans un édifice grossier, sans doute les murs sont fermes et durables, mais pas assez polis et brillans. Pour moi, je veux un orateur semblable à un père de famille riche et digne d’éloge, occupant une habitation non-seulement préservée de la pluie et du vent, mais qui charme la vue et les regards ; qui non-seulement soit garnie des meubles suffisans aux usages indispensables, mais étale dans son luxe, de l’or et des pierres fines qu’on puisse librement admirer et toucher. Je veux qu’il mette à l’écart les objets sales et vieillis ; qu’il n’ait pas une expression infectée, pour ainsi dire, par la rouille, aucune phrase d’une structure lente et inerte, composée en façon d’annales ; qu’il fuie la bouffonnerie ignoble et sans sel, qu’il varie sa composition, et qu’il ne termine pas toutes ses périodes d’une manière uniforme.