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l’urbanité et de l’élévation ; Corvinus est plus doux que Cicéron, plus séduisant et plus travaillé en son style. Je ne cherche pas lequel est le plus disert : il me suffit d’avoir prouvé ceci, que l’éloquence n’a pas une seule physionomie, mais que l’on en découvre plusieurs genres, même chez ceux que vous appelez anciens ; qu’un genre n’est pas pire par cela seul qu’il est différent ; mais, par ce penchant vicieux de la malignité humaine, toujours ce qui est ancien est loué, toujours le présent est dédaigné. Doutons-nous qu’il se soit trouvé des admirateurs d’Appius Cécus au détriment de Caton. On sait assez que Cicéron ne manqua pas de détracteurs, auxquels il paraissait enflé et ampoulé, pas assez serré, mais bouffi outre mesure, redondant et trop peu attique. Vous avez lu, sans doute, les lettres écrites par Calvus et Brutus à Cicéron ; il est facile d’y découvrir que Calvus paraissait à Cicéron usé et sans vie, Brutus négligé et sans liaison. Et, de son côté, Cicéron était maltraité par Calvus comme un écrivain lâche et énervé, et par Brutus, dont je rappelle ici les termes mêmes, comme un orateur débile et sans reins. Si vous m’interrogez, tous me paraissent avoir dit vrai. Mais bientôt je reviendrai à chacun d’eux ; maintenant mon examen les comprend tous en masse.

XIX. En effet, puisque les admirateurs des anciens ont coutume d’assigner à l’antiquité pour limite l’époque de Cassius Severus, qui, selon leur dire, s’écarta le premier de cette voie directe et antique de l’éloquence : je prétends que ce ne fut point par la faiblesse de son génie ni par ignorance des lettres qu’il s’adonna à ce nou-