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turée il y eut une consolation, puisqu’elle le déroba à ces derniers temps où Domitien, non plus déjà par intervalles et laissant les moments de respirer, mais sans relâche et comme d’un seul coup, accabla la république.

XLV. Agricola n’a pas vu le palais du sénat assiégé, l’assemblée investie par les armes, tant de consulaires expirants dans un même massacre, tant de femmes illustres exilées et en fuite. Une seule victoire encore signalait Carus Metius : c’était dans les murailles d’Albe que retentissaient les vociférations sanguinaires de Messalinus, et déjà Massa Bebius était accusé. Bientôt nos propres mains traînèrent Helvidius en prison ; les regards de Mauricus et de Rusticus nous couvrirent de honte, Sénécion, de son sang innocent. Néron du moins détourna les yeux ; il ordonna des supplices, et ne s’en fit pas un spectacle. Sous Domitien, la plus grande partie de nos misères était de le voir et d’en être vus, alors que chacun de nos soupirs était enregistré ; alors que, pour faire pâlir et désigner tant de victimes, il suffisait d’un seul regard de cet affreux visage, couvert de cette rougeur dont il se munissait contre la honte. Tu fus heureux, toi, Agricola, non seulement par l’éclat de ta vie, mais même par l’opportunité de ta mort ; et, comme le rapportent ceux qui assistèrent à tes derniers entretiens, tu la reçus avec fermeté et résignation, comme si, autant qu’il était possible à un mortel, tu eusses voulu absoudre ton bourreau. Mais quant à moi, quanta ta fille, outre l’amertume de la perte d’un père, notre affliction s’accroît de n’avoir pu assister à ta maladie, ranimer ta vie défaillante, nous rassasier de ta