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claves, achetés exprès, figuraient des captifs germains par la forme de leurs habillements et de leurs coiffures ; et maintenant une victoire réelle et éclatante, où tant de milliers d’ennemis avaient péri, était célébrée avec une grande renommée. Ce qu’il redoutait le plus vivement, c’était qu’un nom privé fût élevé au-dessus de celui du prince. Vainement avait-il réduit au silence les talens du forum et les arts de la paix, si un autre s’emparait de la gloire militaire. Peut-être eût-il pardonné plus facilement d’autres succès ; mais la qualité de grand général était exclusivement une vertu impériale. Agité par de tels soucis, et, ce qui était l’indice de pensers cruels, rassasié de solitude, il jugea toutefois préférable, pour le moment, d’ajourner sa haine, jusqu’à ce que les premiers transports de la renommée et la faveur de l’armée commençassent à languir ; car alors encore Agricola commandait en Bretagne.

XL. Il ordonna donc au sénat de lui décerner les ornements triomphaux, l’honneur de la statue, et tout ce qui est offert au lieu du triomphe ; joignant à tout cela une profusion de compliments, et donnant de plus à penser qu’il lui destinait le gouvernement de la Syrie, vacant alors par la mort du consulaire Atilius Rufus, et réservé aux personnages les plus distingués. On a cru même généralement qu’un affranchi, de ses plus intimes confidents, fut dépêché vers Agricola, avec les titres de gouverneur de Syrie, et qu’il était chargé de lui remettre s’il était encore en Bretagne ; et que cet affranchi, l’ayant rencontré dans le détroit de l’Océan, et ne l’ayant pas seulement averti, retourna subitement vers Domitien. Ce fait est peut-être vrai ; peut-être aussi fut-il imaginé et composé